« E la musica come muore »

E LA MUSICA COME MUORE
à propos de Francesco Filidei
in Dans la peau du son,
éditions A la ligne (2e2m)
chronique Resmusica
ou à consulter au CDMC

E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silenzio a questa voce
Vo comparando: e mi sovvien l’eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e il suon di lei. Così tra questa
Immensità s’annega il pensier mio:
E il naufragar m’è dolce in questo mare.1.

1. Leopardi, Canti XII, L’Infinito, (1819)

Et comme le vent, j’entends bruisser les feuilles, je compare le silence infini à cette voix : et je me souviens de l’éternité, des saisons mortes, et la présente, vivante et du bruit qu’elle fait. Ainsi dans cette immensité s’anéantit ma pensée et il m’est doux de faire naufrage dans cette mer (traduction anonyme)

Enigmes

Amore muore quindi in musica.
E la musica come muore ? *

La question de la mort, de la disparition est l’une des lancinantes obsessions de l’homme. L’ombre de l’éphémère, le sentiment de l’inanité de l’existence – vanité et poursuite du vent – planent au-dessus de son bonheur. Et si l’homme est finalement voué à la poussière / A quoi bon que sa mère veille sur lui et le choie ?**. 
Cette question relève du tourment de l’origine. L’origine de l’amour, de la vie, de la musique… Quelle puissance préside au commencement ? Pourquoi, comment, le surgissement de l’être ? De quelle matière première, de quel abysse ? Dans quel foudroiement quelque chose survient et disparaît ? Où est le passage flou du non-être à l’être (et inversement) ?… 
Et pourquoi ? Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ? 
Chez Filidei, ces questionnements sont incandescents, portés à leur paroxysme. L’image de ce compositeur turbulent, contestataire, iconoclaste, rebelle, provocateur, adulé ou décrié, se trouble, s’évanouit ou s’illumine ici. Sa quête intérieure est celle d’un ascète (athlète) pour qui vie et musique vont l’amble, voire se confondent, pour qui l’écriture est une voie, une discipline, un exercice spirituel. « Je ne conçois pas les choses de façon « extra-musicale », il n’y a pas de distinction entre la musique et la vie. »
Car, pour lui, – et ce n’est ni une attitude, ni un vain mot -, la recherche de la vérité passe avant tout par l’expérience. Dans la fièvre, et avec une précision méticuleuse (presque anatomique), il relève le défi de chercher à son corps défendant « la vérité comme quelque chose que l’on s’arrache du cœur bout par bout, et auprès de laquelle chaque victoire se paye par une défaite. » …

  • Novissimum Testamentum Edoardo Sanguineti, L’amour meurt ainsi en musique. / Et la musique, comment meurt-elle
  • ** Al Maari, Chants de la nuit extrême